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100 % d’autonomie pour l’alimentation et la fertilisation

Luc Lemesle (à droite) et son futur associé Benoît Rousselet. Les prairies de luzerne et fétuque sont renouvelées au bout de plusieurs années quand leur productivité diminue. C’est le cas ici avec des « trous » sans luzerne observés à l’arrière-plan.

En n’important aucun aliment ni engrais et en priorisant le pâturage, le Gaec du Fan, en Mayenne, maîtrise ses émissions de gaz à effet de serre et d’ammoniac, tout en maintenant un niveau d’étable autour de 5 500 litres par vache.

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Avant même sa conversion en agriculture biologique en 2019, le Gaec du Fan avait, dès 2013, cessé d’utiliser des engrais minéraux. Les aliments concentrés, qui représentaient quinze tonnes achetées en 2010, ont eux aussi progressivement disparu des approvisionnements extérieurs de la ferme.

L’exploitation

Cette transition vers l’autonomie a été opérée par Quentin ­P­­erthué, installé auprès de ses parents en 2010. Désormais, le Gaec est piloté par Luc Lemesle, installé en 2018 et Benoît Rousselet, dont l’installation est prévue en 2026 pour remplacer Quentin. Avec 72 ares par vache laitière, le système fourrager est basé en priorité sur le pâturage, ainsi que sur l’introduction de légumineuses dans la rotation. Les prairies temporaires de longue durée sont semées à l’automne sous couvert de mélange céréalier et composées de ray-grass anglais, fétuque élevée, trèfle blanc et lotier. « Le lotier est une légumineuse résistant bien à la sécheresse et qui se ressème naturellement », observent les éleveurs. La productivité des prairies est estimée à sept tonnes de matière sèche par hectare et par an en moyenne.

La mise à l’herbe commence au plus tôt début février. Petit à petit, ensilage d’herbe, maïs épi et foin sortent de la ration pour aboutir à un régime exclusivement à base d’herbe pâturée en avril et mai, voire début juin en fonction des conditions climatiques. « Avec les conditions humides de 2024, nous étions à 100 % d’herbe pâturée dans la ration durant tout l’été », soulignent les futurs associés. C’est encore la météo qui décide de la place de l’herbe fraîche dans la ration à l’automne, sachant que les vaches rentrent au bâtiment pour passer l’hiver au plus tard la semaine de Noël. Au final, d’une année sur l’autre, la présence des vaches exclusivement au bâtiment, sans accès à l’extérieur, varie entre un mois et demi et trois mois par an.

5 % de la surface en maïs

Pour les stocks fourragers nécessaires en hiver, et de plus en plus souvent en été, Luc et Benoît s’appuient sur l’ensilage réalisé en plusieurs coupes sur dix hectares de luzerne (elle aussi résistante à la sécheresse) associée à de la fétuque élevée. Ils ensilent aussi de façon précoce une partie des mélanges céréaliers, notamment quand ceux-ci abritent des semis de prairies réalisés sous couvert : ils contiennent alors de la féverole. Quand les mélanges sont récoltés en grains à maturité, les éleveurs optent plutôt pour le pois. « Le méteil en grains est utilisé en complément quand nous manquons d’herbe en été ou à l’automne », précisent les éleveurs.

Deux coupes en 2024, zéro en 2025 : les éleveurs essaient de consacrer une coupe de luzerne par an à la déshydratation pour sécuriser leurs stocks avec un produit peu périssable et facile à distribuer. (© N.Tiers)

De même, une coupe de luzerne est récoltée par la coopérative Deshyouest dans l’objectif de la déshydrater pour fabriquer des bouchons. Les agriculteurs en produisent en moyenne dix tonnes par an. « C’est un fourrage de sécurité pour assurer le tampon quand c’est nécessaire : nous l’utilisons en cette fin d’été sec. C’est pratique car ça se distribue comme un concentré. Et ce n’est pas périssable : nous pouvons le conserver dix-huit mois. En 2024, nous avions déshydraté deux coupes, mais nous n’avons pu en faire aucune en 2025. »

« Barre de coupe à l’avant, épandeur à l’arrière »

Le maïs, qui représentait plus de 10 % de la surface fourragère de la ferme en 2010, n’en occupe plus que 5 %. Il est de préférence récolté en ensilage d’épis entiers, sauf si la constitution de stocks s’impose : c’est le cas en 2025 où le maïs a été ensilé en plante entière. Enfin, des stocks de foin sont réalisés sur les prairies naturelles éloignées et sur les parcelles pâturées (débrayage) ; et parfois un peu d’enrubannage à l’automne quand ni le foin ni l’ensilage ne sont envisageables.

Comme souhaité par ses associés depuis une quinzaine d’années, le Gaec du Fan est aujourd’hui 100 % autonome pour l’alimentation de son troupeau et la fertilisation de ses cultures. Il économise ainsi les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la fabrication industrielle et au transport d’intrants : aliments, engrais. Excepté pour la luzerne déshydratée, bien que la filière luzerne de France indique avoir réduit de 95 % ses émissions de CO2 ces vingt dernières années, faisant d’elle « une matière première locale, riche en protéines et bas carbone ».

Au Gaec du Fan, le recours prioritaire au pâturage est aussi une façon de réduire les émissions de GES liées aux machines et au carburant nécessaires aux récoltes. Les jeunes éleveurs s’en réfèrent d’ailleurs à la définition de la vache du célèbre agriculteur breton André Pochon : « Une barre de coupe à l’avant et un épandeur à l’arrière. » Un diagnostic carbone Cap’2ER sera bientôt réalisé sur l’exploitation via Biolait. Il devrait afficher une empreinte carbone au litre de lait peu élevée, grâce ,notamment, à la forte représentation des prairies favorisant le stockage de carbone. Les analyses de sol récentes montrent des taux de matière organique autour de 4 %.

Concernant les émissions d’ammoniac également estimées dans Cap’2ER, elles devraient aussi être faibles en raison de l’absence de fertilisation minérale, et de la présence limitée des animaux dans le bâtiment générant un faible stock d’effluents. Les volumes annuels sont d’environ 1 000 m3 de lisier issu des eaux blanches de lavage stocké en poche, et 900 tonnes de fumier issu de l’aire paillée. Le fumier est d’abord stocké en fumière bateau couverte, puis en tas au champ où il est composté via la Cuma.

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